Un mariage sous dispense du Président de la République...
Le samedi 8 avril 1899, en mairie de Simard, François MARMONT épouse Maria PUTIGNY, demi-soeur de mon arrière-arrière-grand-père Joseph MARTIN. Comme dans chaque acte de mariage de cette époque, l'officier d'état civil énumère l'ensemble des documents produits afin de rédiger l'acte. Parmi ces pièces, il cite le "décret de Monsieur le Président de la République française en date du vingt-cinq mars mil huit cent quatre-vingt-dix-neuf, par lequel la prohibition établie par l'article 162 du code civil est levée". Le texte alors en vigueur prévoit qu'"En ligne collatérale, le mariage est prohibé entre le frère et la sœur légitimes ou naturels, et les alliés au même degré." Mais pourquoi François et Maria ne pouvait-il pas se marier librement ?
Avant d'épouser Maria, François était précédemment marié à Emilie PUTIGNY. Cette première union a également été célébrée à Simard, le 19 décembre 1894. Un enfant naît de ce mariage, Jeanne Eugénie, le 17 janvier 1895. Malheureusement, Emilie décède prématurément le 12 août 1897, à l'âge de 22 ans, laissant derrière elle un jeune veuf (François n'a alors que 27 ans), et une orpheline...
Emilie PUTIGNY n'était autre que la soeur aînée de Maria. Au regard du code civil précédemment mentionné, ce lien familial ne permet pas à François d'épouser Maria. Une seule solution se présente à eux : adresser une demande de dispense de parenté au Président de la République !
Emile LOUBET, Président de la République Française du 18 février 1899 au 18 février 1906.
Cette dispense, mentionnée dans l'acte de mariage de François MARMONT et Maria PUTIGNY, résulte d'un dossier constitué par les futurs époux, avec l'aide du maire de Simard. Conservé par les Archives nationales, j'ai pu en obtenir la communication des pièces pour avoir plus de précisions sur la motivation de la demande de dispense.
Dans ce dossier, constitué par le Parquet du Tribunal civil de Louhans, nous retrouvons la demande des futurs époux et le rapport du Procureur de la République de Louhans. Il a ensuite été transmis au Procureur Général de la Cour d'Appel de Dijon, puis au Garde des Sceaux, pour décision au nom du Président de la République. Les dates des différentes pièces nous permettent de constater la rapidité avec laquelle les dossiers était instruits à l'époque (avec des moyens de communication bien moins rapides qu'aujourd'hui) : la demande des futurs époux a été rédigée à Simard le 2 février 1899, le Procureur de Louhans a remis son rapport le 16 mars suivant, celui de Dijon a rendu son avis le lendemain 17 mars, et le décret présidentiel a été promulgué le 25 mars !
Le futur époux explique dans sa demande la raison de leur démarche : "Le soussigné François Marmont a aussi l'honneur de vous exposer,Monsieur le Président, que Emilie Putigny, se femme, lui a laissé en mourant, une enfant actuellement âgée de quatre ans. Depuis la mort de sa mère, cette enfant a été elevée par ses grands-parents, les époux Putigny-Martin, et sa tante, Maria Putigny, s'est attachée à elle comme si elle eût été sa fille. Par ce mariage la jeune enfant retrouvera les soins que lui aurait donnés sa mère."
Le Procureur de la République de Louhans reprend ces motifs dans son rapport et appuie la démarche en indiquant : "Les demandeurs appartiennent l'un et l'autre à des familles honnêtes, considérées et jouissant de l'estime générale. Leur conduite n'a jamais donéé prise à la critique ; ils n'habitent pas sous le même toit et leurs relations ne paraissent pas suspectes. Il n'existe entre eux aucune disproportion d'âge et toutes les convenances semblent réunies. La population et les autorités locales accueilleront avec faveur la concession des dispenses sollicitées."
Par ailleurs, en raison de leurs faibles revenus, les futurs époux et leurs parents, sollicitent également la remise totale des droits de sceau, perçus pour l'instruction et l'enregistrement de leur demande.
Leur démarche ayant rapidement abouti en leur faveur, François et Maria ont donc pu se marier le 8 avril 1899. De leur union vont naître à Simard pas moins de 9 enfants, entre 1900 et 1913...
La demande de dispense (Archives nationales, BB 11 3694, dossier 1932X99) :
Le rapport du Procureur de la République de Louhans (Archives nationales, BB 11 3694, dossier 1932X99) :