Au fil des actes notariés : une donation à Mervans en 1704

Outre les incontournables actes d'état civil établis depuis 1793, et avant eux les registres paroissiaux, qui nous donnent les principales dates de vie de nos aïeux, le recours à d'autres sources est primordial si l'on souhaite donner plus d'intérêt à notre généalogie. Sans ces autres sources, elle ne serait qu'une fade collection de noms et de dates... et je serai donc bien démuni pour faire vivre ce blog !

Parmi ces autres sources, les actes notariés tiennent une place très importante. Contrairement à ce que l'on peut imaginer, nos ancêtres, même les plus modestes, avaient davantage recours aux notaires que nous. La moindre transaction faisait l'objet d'un acte authentique et nos aïeux n'hésitaient pas à prendre leurs dispositions pour assurer leur succession. Les notaires détenant leur office par décision de l'autorité publique, les actes qu'ils produisent ont donc le statut d'archives publiques et sont, de ce fait, systématiquement versées aux Archives départementales, où nous pouvons aujourd'hui les consulter, même plus de trois siècles après leur rédaction.

Contrats de mariages, actes de vente et d'acquisition, obligations, partages, donations, testaments, inventaires après décès... nombreux sont les actes que nous pouvons aujourd'hui retrouver pour retracer la vie de nos ancêtres. A titre de premier exemple, j'ai choisi aujourd'hui une donation faite par mes aïeux Jacques LORY et Marie QUANET, au profit de mon autre aïeul, Esme LORY, leur fils, et de sa soeur Claudine. Nous sommes le 10 décembre 1704, à Mervans, en l'étude de François BOISSON, notaire royal. Cet acte de trois pages, dont je vous donne ci-dessous la première, est conservé aux Archives départementales de Saône-et-Loire. J'en ai réalisé une transcription intégrale que vous pouvez lire via ce lien : 1704_12_10_Donation_par_Jacques_LORY_et_Marie_QUANET_pour_Esme_LORY

Donation des époux LORY-QUANET, au profit de leur fils Esme LORY. Acte reçu le 10 décembre 1704 par François BOISSON, notaire royal à Mervans.

(Archives départementales de Saône-et-Loire, 3E 18070).

Jacques LORY et Marie QUANET sont tous deux natifs de Mervans, lui naît en novembre 1653 et elle en juin 1651. Ils se marient à l'église de La Racineuse le 12 juin 1673, après avoir établi leur contrat de mariage le même jour devant Antoine JOMARD, notaire royal à Mervans. Nous connaissons deux enfants nés de leur union : Esme, le 6 avril 1677, et Claudine, vers 1696.

Le 10 décembre 1704, Jacques et Marie se rendent donc en l'étude de François BOISSON, dans l'intention de régler leur succession au profit de leur deux enfants, tout en s'assurant une fin de vie paisible... A compter de ce jour, leur fils Esme devient propriétaire de l'ensemble des biens immobiliers leur appartenant, situés au Chêne, hameau de Mervans. En contrepartie, Esme s'engage à régler les rentes créées par ses parents, dont celles dues à François LARNOUX, son beau-père, marchand à Verdun-sur-le-Doubs, et aux héritiers d'honorable Antoine LORY, "maistre chirurgien" à Mervans.

Pour assurer "leurs vieux jours", Jacques et Marie conservent l'usage de leurs meubles et d'une chambre, un grenier et un cabinet qu'ils occupent dèjà, dans la maison couverte en tuiles. Ils ont également "le jardin du coste de matin a nen prandre que despuis les piquets quils planteronts et separations quils feronts ensemble, bien entendü que le dessous de la traille fera la limite tirant adroite ligne au grand chemin" et "lun des fourg qui est dans une petite maison". Deux champs, une chaintre (bande de terre non-cultivée à la périphérie d'un champ) et quatre arpents de bois sont aussi à leur disposition. Enfin, pour assurer leur subistance et quelques revenus complémentaires, les époux LORY s'octroye "la moitié du poisson qui proviendra de la marg du Chesne ou fruit qui y proviendra , et le vergey derrier la maison d'escurie pour joüir pandant leurs vie seulemt. Du revenus de la moitié de ladite marg , et quand ausurplus des reserve cy dessus lesd. Lory et Quanet en pourront faire ce que bon leurs semblera , mesme les vandres en cas de necessité."

Par cet acte, Jacques LORY et Marie QUANET prévoient qu'à leur mort "tous les biens quils delaisseront tant meubles que immeubles soient partages par esgalle portion entre led. Esme Lory et Claundine Lory sa soeur apres toutes debtes levé et sans quiceux puissent avantager lun de leurdict enfans plus que lautre pour quelques pretexte et raisons que ce soit , en considerant de ce que dessus faict et des heritages donné aud. Esme Lory". En dehors de ce partage, Jacques et Marie attribuent en plus à leur fille Claudine un lit et un coffre.

Marie QUANET décède la première, le 27 avril 1709 à Mervans. Dans son acte de sépulture, elle est dite "Dame" et son mari est qualifié "Honorable", signe d'une certaine aisance et d'une estime de la population locale. Suite à ce décès, Jacques LORY se remarie le 29 avril 1710 à Mervans avec Charlotte CAMBAZARD. Cette dernière n'est autre que la mère de Désiré PROST, qui le même jour épouse Claudine LORY... 

Jacques LORY décède à La Racineuse en novembre 1721. Un siècle plus tard, en 1825, lors de l'établissement du premier cadastre de Mervans, la famille LORY est encore bien présente au Chêne, propriétaire de quelques maisons. Un recherche plus approfondie, pour déterminer leur lien avec Jacques, permettra peut être de localiser la maison décrite dans l'acte de 1704. La mare du hameau, citée dans l'acte, est toujours visible aujourd'hui...